— Début de la traduction —
J’ai entendu Ali bin Al-Madini [1] dire :
Je suis rentré chez l’Emir des Croyants {calife} et il m’a dit :
– Est-ce que tu connais un hadith avec une bonne chaine de narration au sujet de quelqu’un qui insulte le prophète et qui est tué ?
J’ai dit : oui, et je lui ai cité le hadith d’Abd al-Razak, d’après Maamar, d’après Simak bin al-Fazhl, d’après Ourwa bin Mohammed d’après un homme de {la tribu de} Bilqayn qui avait dit : “un homme insultait le prophète. Le prophète a donc dit : qui me règle le compte de mon ennemi ? Khalid ibn al-Walid a répondu : moi. Le prophète l’a donc envoyé à l’homme pour le tuer”.
L’Emir des Croyants répondit : ceci n’est pas une chaine de narration. Il est raconté d’après un homme [2]
Je lui ai dit : O Emir des Croyants, cet homme est bien connu et il est venu prêter allégeance au prophète. Il est célèbre et bien connu.
Il continua : il a donc ordonné qu’on me donne mille dinars.
— fin de la traduction —
Notes de traduction
[1]: Ali bin Al-Madini (778 – 848). A donc vécu durant l’époque Abbasside. C’est un des hommes de confiance de Boukhari. Il est cité dans la chaine de narrations de beaucoup de hadiths « authentiques »
[2] : C’est-à-dire d’après un inconnu dont le nom n’est pas cité (partie en bleu dans la traduction ci-dessus).
Page(s) :
Cliquez pour agrandir
Source :
Al Mouhalaa
De : Ibn Hazm (994 – 1064) [wiki : ar, fr, an]
Volume 11, page 413
Analyse :
Les journalistes de Charlie Hebdo ont été tués sur la base de cette histoire.
Un calife demande clairement de lui fournir un hadith dont il définit d’avance le narratif. Son interlocuteur, qui ne refuse rien aux hommes de pouvoir, lui taille une anecdote sur mesure. Seul hic, une fois qu’il arrive avec sa chaine de narration à l’entourage du prophète, il n’ose pas sortir un nom précis. Il dit « un homme ». Le calife n’est pas content ! Parce que le hadith sera considéré comme faible si la chaine de narration n’est pas précise.
Mais Ali bin Al-Madini insiste et réussit à vendre sa camelote : 1000 dinars.
Du point de vue de l’historien, on voit clairement ici des témoins qui gagnent de l’argent en fonction de ce qu’ils racontent aux hommes de pouvoir. Beaucoup – comme Abi Hourayra – se sont enrichis en racontant des hadiths par milliers. Ils ne sont pas neutres et désintéressés. Leur témoignage leur rapporte de l’argent et les rapproche des hommes de pouvoir.
Dans des sociétés où tout se vend et tout s’achète, et surtout les « fakes », ceci explique pourquoi le nombre de hadiths en circulation a explosé et pourquoi on y trouve la chose et son contraire tout le temps.
Le seul problème : c’est que de nos jours, on tue pour et au nom de ces histoires !
NB: Cette histoire revient aussi dans Al Sarimou al-Masloul de Ibn Taymiya (page 59, voici le lien PDF). C’est probablement dans le livre d’Ibn Taymiya que les terroristes l’ont lue. Mais le premier qui en parle c’est bien Ibn Hazm dans “al Mouhalaa” volume 11.
Télécharger le livre PDF en Arabe pour vérifier vous-même :
(Cliquez sur l’image pour ouvrir le PDF dans votre navigateur)
Articles Connexes :
Bonjour.
Je pensais que le fait de “tuer les gens qui insultent le prophète” avait été intégré dans la doctrine par Ibn Taymyya. Donc qu’en est-il in fine ?
Merci